La bonne recette pour un quatre-quart réussi

Pour faire des Murs à pêches une fête permanente, un savoureux repas collectif, un goûteux dessert au miel, ce n’est pas compliqué pour un sou. Il faut et il suffit de savoir cuisiner. Et d’avoir une recette éprouvée. Vous avez de la chance, notre association est un maître queux comme vous n’en trouverez pas deux à Montreuil.

Pour commencer, amis lecteurs, il faut confectionner une sorte de bouillabaisse. Prenez une histoire longue, un lieu unique, des savoir-faire particuliers, un paysage. Laissez périr de longues années, envahissez avec des grandes tours, des bretelles d’autoroute, des zones industrielles. Retranchez quelques restes de parcellaire, de variétés horticoles, de connaisseurs derrière des murs, autrefois producteurs, maintenant protecteurs.

Ensuite, oubliez quelque temps. Laissez venir la nature, les grands arbres, de nouvelles gens, des  habitants, des promeneurs, des poètes, des jardiniers, des militants. Installez des projets, cultivez des conflits d’idées et d’usage. Faites chauffer à feu doux pendant un bon moment…

Puis ajoutez :
Un quart de laisser faire. Attention, ne pas toucher ! Surtout, laissez libre cours à la nature – pour honorer la friche, laisser un espace d’abandon propice au rêve et aux possibles, et encourager la biodiversité. La biodiversité, ce n’est pas seulement l’Amazonie, savez-vous ?
Un quart de professionnels horticoles, d’agriculteurs, d’arboriculteurs – pour faire revivre les savoir-faire des vergers et développer une agriculture de qualité et de proximité. Bien sûr, chemin faisant, il faudra s’attaquer à la pollution des sols, qui est aujourd’hui un grave problème des murs à pêches. Mais on y arrivera. Sûr.

Un quart de jardiniers amateurs, passionnés, expérimentés, débutants, innovants – pour créer et entretenir des jardins de toutes sortes à partager. Vous avez déjà passé une vie à regarder pousser des fruits et des légumes ? C’est si bon qu’on ne peut bientôt plus s’en passer.
Un quart d’artistes, de musiciens, de troupes de théâtre, de conteurs, danseurs, plasticiens – pour ouvrir à toutes les cultures et à la convivialité. Si vous ne connaissez pas encore l’association Les Léz’arts dans les murs, franchement, on vous plaint. Mais rien n’est perdu !

Vous y êtes ? Vous avez tout fait dans le bon ordre ? Alors vous voilà riches d’une vie que vous n’aviez fait que rêver. Les murs sont à vous ! Inventez de nouvelles collaborations, laissez vivre ensemble tout ceux qui savent respecter l’espace du voisin. Vous voilà avec un quartier des murs à pêches où il fait bon vivre, flâner, jardiner, chanter… et plus si affinités.

Le présent billet a été publié initialement le 23 janvier 2009

Madame Voynet et la nouvelle bibliothèque François Mitterrand

Préambule : compte tenu de ce que je vais écrire, il est bon que je me présente un peu. Je suis journaliste et je connais Dominique Voynet depuis environ vingt ans. Je ne suis et n’ai jamais été de ses intimes, mais je la connais donc depuis cette date. J’ai eu souvent la dent dure contre elle, et ne le regrette pas. Mais je sais aussi que dans certaines circonstances – le sort d’un homme en prison -, lorsqu’elle était ministre, elle a su se montrer une femme digne et courageuse. J’ai voté pour elle dès le premier tour des élections municipales, et accepté de faire partie de son comité de soutien à cette occasion. Voilà. Je la connais. Je ne suis pas son ennemi. Je ne suis pas son beau miroir.

Venons-en à la très grave question de l’aménagement du quartier autour des Murs à pêche de Montreuil. On le sait, j’imagine que vous savez tous que madame Voynet a décidé la création d’un immense quartier de 200 hectares, couvrant environ le quart de la ville. Il s’agit, au sens le plus terre-à-terre de l’expression, d’un projet pharaonique. Toutes les ressources de la ville, et bien au-delà évidemment, y seront englouties pour au moins une génération. Le chiffre colossal de 2 milliards d’euros d’investissement est avancé par la ville elle-même. Il est clair, il est manifeste, il est indiscutable que Montreuil, dans l’hypothèse où ce projet verrait le jour, ne serait plus jamais la ville qu’elle a pu être. On joue là les 100 prochaines années de cette ville. Retenez ce chiffre, car il n’est pas polémique. Un projet de cette dimension décide d’à peu près tout pour 100 années. Plutôt long, non ?

Toujours plus d’habitants

Nous sommes face à une oeuvre urbaine colossale et sans précédent. Elle comprend des travaux lourds – une piscine, une médiathèque, des écoles – qui de facto formeraient une ville nouvelle. Surtout, 3 000 logements seraient construits sur place, ce qui entraînerait mécaniquement l’installation de milliers – 10 000 ? – d’habitants supplémentaires dans une ville qui en compte 102 000. Pourquoi pas, certes. Mais aussi et avant tout : pourquoi ? Cette question n’est pas même évoquée par l’équipe de madame Voynet, ce qui est tout de même très singulier. Oui, posons calmement la question suivante : pourquoi diable faudrait-il densifier encore une ville de 100 000 habitants aux portes de Paris, alors même que Montreuil est la signataire – en grandes pompes – de la charte européenne dite d’Aalborg, qui prône exactement le contraire (ici) ? Lisez ce texte limpide et magnifique, et vous m’en direz des nouvelles. Le paradoxe, qui n’est pas le dernier, est que ce texte a été signé par l’ancienne municipalité, qui en bafouait allègrement les principes. Mais voilà que la nouvelle fait de même. Étrange.

Recommençons : pourquoi ? Le seul argument que j’ai entendu est celui-ci : la demande de logements est considérable. Une telle flèche est censée foudroyer le contradicteur. Mais elle ne produit pas le moindre effet sur moi, et voici pourquoi. La question du logement se pose évidemment, ÉVIDEMMENT, au niveau de toute la région. Complexe, elle engage pour des décennies et mérite donc des discussions approfondies, des arbitrages, des péréquations. Peut-être est-il plus judicieux de bâtir en d’autres points de notre région, en fonction de paramètres sinon raisonnables, du moins rationnels ? Mais il n’y a eu aucune discussion sur le principe même de ces nouvelles constructions. Ou bien peut-être à l’abri des bureaux municipaux, à l’ancienne ?  Or, l’avenir commun se discute et se décide en commun, a fortiori quand on entend faire de la politique autrement, comme l’aura tant clamé madame Voynet au long de sa carrière.

L’aspirateur à ordures

Pourquoi ne dit-on jamais qu’il existe plusieurs milliers – on parle de 4 000 – logements inoccupés à Montreuil ? Pourquoi ne dit-on jamais la vérité sur l’état de dévastation énergétique et écologique de tant de cités populaires de la ville ? N’y a-t-il pas là de magnifiques chantiers de restauration de la vie collective, susceptibles de redonner confiance aux citoyens dans l’action politique ? Je prétends que la priorité des priorités, dans le domaine du logement, est de s’attaquer à l’amélioration de ce qui existe. Et je défie quiconque de me prouver le contraire dans une réunion publique contradictoire. Construire 3 000 logements neufs, dans ces conditions, s’appelle une fuite en avant, dans tous les domaines. Et un gaspillage monstrueux de matières premières de plus en plus précieuses. Cessons de rigoler ! Cessons de parler d’écologie du haut des tribunes avant que de recommencer les erreurs du passé. Dans le monde malade qui est le nôtre, sur cette planète surexploitée, épuisée par les activités humaines, lancer un chantier de cette taille est une très mauvaise action. Une sorte de manifeste de l’anti-écologie.

Ah ! la piscine sera « écolo » ? Ah ! Les parkings seront à l’entrée du quartier ? Ah ! la collecte des déchets se fera par aspiration souterraine ? Franchement, lecteurs de bonne foi, ne voyez-vous pas qu’on vous mène en bateau ? Sous le label passe-partout d’écoquartier, qui sera bientôt aussi dévalué que celui de « développement durable », on se livre à une vulgaire manipulation des esprits. Les vrais écoquartiers, très exigeants, sont connus. C’est le cas par exemple dans la ville allemande de Fribourg-en-Brisgau. Mais cela n’a rien à voir avec ce qui est aujourd’hui annoncé, qui n’est que poudre aux yeux. À Fribourg, madame Voynet, il s’agit de changer la vie quotidienne par une politique audacieuse des transports, une réduction des volumes de déchets, un usage généralisé de formes d’énergie renouvelable. À Montreuil, misère ! on cherche à nous « vendre » un système souterrain pour qu’on ne voit plus en surface nos ordures. Au fait, ce système nouveau, Veolia ou Suez ? Vous vous doutez bien qu’un investissement pareil ne saurait se faire sans l’appui de grands groupes immobiliers, aussi de gestion de l’eau et des déchets. C’est inévitable. Mais ce n’est pas en 2020 que nous avons besoin de l’ouverture franche, directe et totale du dossier, car ce sera alors trop tard. Non, c’est maintenant. Je gage que de très mauvaises surprises nous attendent au tournant. On parie ?

Le Poivron était trop vert

Reste, avant ma conclusion, la redoutable et dévastratrice – pour madame Voynet – question de la démocratie. Comment une femme écologiste ose-t-elle lancer des travaux de cette dimension sans en appeler avant tout au débat public ? Oui, comment ose-t-elle ? Quand on prétend changer le cours de l’histoire locale sans seulement consulter la population, mérite-t-on encore sa confiance ? Un projet d’une ampleur pareille ne saurait partir d’un autre point que l’examen contradictoire des besoins sociaux, culturels, écologiques de la cité. Cela n’a pas été fait. Ce qui a été fait, ce qui se fait sous nos yeux, c’est une tentative de passage en force. Comme aurait fait Jean-Pierre Brard naguère. Comme ont fait des milliers de maires dans le passé. Comme le font tous ceux qui ne croient pas à la démocratie, mais au pouvoir.

J’ai sous les yeux des articles du journal montreuillois Le Poivron, jadis animé par Patrick Petitjean, aujourd’hui maire-adjoint. Je lis dans le numéro 73, de septembre 2005, sous la plume de Petijean, et à propos de projets municipaux de bétonnage des Murs à pêche, ceci : « Les mêmes interrogations se sont fait jour au conseil municipal le 30 juin : Pourquoi, brusquement, une telle précipitation ? Pourquoi court-circuiter le débat en cours sur le Plan Local d’Urbanisme ? Pourquoi cette absence de plan global, au contraire des exigences de la procédure de classement partiel ? ». Je pourrais citer la collection complète du Poivron, qui rend hommage, au passage, à l’association dont je suis membre, MAP, présentée comme celle qui a permis le classement, in extremis, de 8 hectares des Murs. Je pourrais continuer, ad nauseam. Autres temps, autres moeurs. Comme il est simple, facile et confortable d’oublier ses promesses, n’est-ce pas ?

Au pays de la grosse tête

J’en arrive à ma conclusion. Que cherche donc madame Voynet ? Je n’en sais rien, car je ne suis pas dans sa tête. Mais je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le défunt président François Mitterrand. On s’en souvient, ce dernier avait, tel un roi républicain, voulu marquer de son empreinte le sol de cette ville éternelle qu’est Paris. D’où cette politique ruineuse de grands travaux, dont le fleuron le plus affreux est sans conteste la Très Grande bibliothèque des quais de Seine. J’ai le pressentiment que Dominique Voynet est atteint du même syndrome mégalomaniaque, classique, ô combien !, chez nos politiques de tout bord. Elle entend décider seule, éventuellement contre tous, de l’avenir d’une ville qui nous appartient, à nous et à nos enfants. Je souhaite ardemment que Montreuil tout entière se lève pour dire NON ! Cette ville populaire, cette ville volontiers rebelle doit retrouver la fougue passée, et donner de la voix. Si les élus actuels ont oublié d’où vient leur provisoire légitimité, je pense qu’il est grand temps de le leur rappeler.

Rien n’est encore perdu. Tout peut être modifié, sauvé, changé, à la condition d’unir, loin de toute considération électoraliste. Nous verrons bien, je ne suis pas devin. Mais il serait accablant que madame Voynet reproduise, à son échelle, ce que tente Christian Blanc, le secrétaire d’État de Sarkozy, avec le Grand Paris. C’est-à-dire un projet délirant, du passé, dépassé, de métro géant – la « double rocade » -, qui ruinerait les ressources publiques de l’Île-de-France pour des dizaines d’années. Ce que nous refusons à l’un, nous devons évidemment le contester à l’autre. Nous voulons, je veux en tout cas de la discussion, de l’ouverture,  de la démocratie. Et pas un lamentable simulacre. L’urgence est de remettre tout le dossier à plat. Pour l’heure, souvenez-vous en, rien n’est fait. Et tout est possible. Même le meilleur.

Fabrice Nicolino, le 30 mars 2010

Conseils pour ceux qui voudraient consulter

Les lecteurs de ce blog ont sans doute compris à quel point notre association aime la démocratie. Pour nous, elle n’est pas un gadget. Elle n’est pas un oripeau qu’on sort de la naphtaline quand on ne sait plus quoi porter en bandoulière. Elle est à la base du contrat entre les citoyens exigeants que nous sommes.

Et c’est pourquoi notre association a consulté autant qu’elle le pouvait ses adhérents sur l’avenir souhaitable des murs à pêches. Première surprise : le quart a répondu, souvent de manière détaillée. Deuxième surprise, qui n’en est pas vraiment une : nos membres sont profondément attachés à ce site et ne veulent pas entendre parler d’une quelconque urbanisation de ce petit joyau. Si vous voulez en savoir plus, si vous voulez connaître le détail de notre questionnaire, allez cliquer sur l’onglet Documents à droite du panneau. Et dites-nous ce que vous en pensez. Car votre avis nous intéresse.

Nous aimerions beaucoup que la mairie écoute autant que nous ce qui se dit sur ce magnifique quartier historique autant qu’écologique.

Une piscine de plus est-elle une bonne idée ?

J’aimerais furieusement me tromper, mais j’ai dans l’idée que la ville s’apprête à faire une grosse sottise. Or cette ville, c’est la mienne. La vôtre, peut-être.

De quoi s’agit-il ? D’un projet de piscine prévu, en l’état du dossier, dans le périmètre de notre cher quartier des murs à pêches. Pour l’heure, on ne sait pas grand chose. La piscine pourrait être bâtie à l’emplacement du foyer de La Nouvelle France. Et nécessiter un parking d’une très grande surface. Où mettrait-on tout cela ? Mystère.

Oh, bien entendu, le projet serait écologique. Hum. Il y aurait en fait deux piscines. L’une tout à fait ordinaire. Et l’autre, extérieure, dotée de roseaux et peut-être – peut-être – dépourvue de traitements chimiques.

Je vais vous dire : cette deuxième installation pourrait bien être le paravent « acceptable », écologiquement correct, de la première. Car la vraie grande piscine serait à coup sûr celle qui pollue et gâche d’invraisemblables quantités d’une eau pourtant précieuse.

La mairie prétend qu’un tel équipement est nécessaire dans le haut Montreuil, et que la piscine du bas serait saturée. Je demande à voir les chiffres, et à regarder de près. Au reste, qui peut prétendre de bonne foi qu’un investissement aussi important est vraiment une priorité pour le haut Montreuil ? La mairie dispose-t-elle d’éléments qu’elle ne publie pas ? J’en doute fort, mais je suis prêt à être démenti.

Autre point important : la très « éventuelle » demande sociale de piscine ne doit pas, ne peut plus être pensée à l’échelle communale. Mais au contraire mutualisée au plan départemental. On parle par exemple d’une base de loisirs à Romainville. La réflexion s’arrêterait-elle aux frontières de Montreuil ? Cette manière de concevoir l’avenir est inquiétante. Désordonnée. Impensée, si l’on m’autorise ce néologisme.

Il y a encore pire, du moins pour une municipalité écologiste. L’usage de l’eau est en train de changer à une vitesse vertigineuse. On parle depuis quelques années du pic de Hubbert à propos du pétrole, qui marque le point culminant de son extraction. De nombreux spécialistes évoquent aujourd’hui le Peak Water, le pic de l’eau. Nous allons vers un monde où nous devrons concevoir l’eau comme une richesse et une rareté.

Autrement dit, penser son utilisation sous la forme d’une piscine coûteuse et polluante est une pure et simple ringardise. Qu’on ouvre plutôt le débat sur la limitation organisée et volontaire de la consommation d’eau ! Des villes comme Lorient ont réussi dans ce domaine des miracles, au profit de ses habitants les plus pauvres. Ouvrons la discussion !

Et posons les vrais problèmes de l’eau aux murs à pêche. Quand va-t-on rouvrir le ru Gobétue au regard des promeneurs et à leur plaisir ? Quand va-t-on lancer un chantier de dépollution de la nappe phréatique qui court sous les murs, et qui est si gravement polluée ?

Je me répète, et ce n’est pas la dernière fois : où est le débat ?

Fabrice Nicolino

 

PS : Le journal Le Monde daté du 6 février 2009 évoque la question du “pic de l’eau” sous le titre : « Utiliser plus intelligemment chaque goutte d’eau » (ici)

“Et ça s’met dans une commission” **

Je vais tâcher, malgré mon tempérament, de ne pas me montrer trop véhément. Bon, sachez-le, la mairie de Montreuil a créé une commission extramunicipale chargée de réfléchir à l’avenir de notre cher quartier des murs à pêches.

Pour être franc, je trouve cela curieux. Cela me rappelle le sort fait à la « démocratie locale » à d’autres époques, y compris dans des communes de gauche. J’espère, j’espère sincèrement qu’il ne s’agit pas d’un simulacre. L’avenir le dira. Mais le présent n’est pas mirobolant. Je vous invite à lire, dans les onglets Documents du panneau de droite, l’intervention du paysagiste Gilles Clément, connu dans le monde entier, et qui est venu parler le 10 janvier, à Montreuil, devant cette fameuse commission extramunicipale. Moi, je trouve le propos de Clément très intéressant. À une réserve près : je crois qu’il n’a pas totalement saisi le caractère magique, poétique, unique en somme du quartier. N’importe, car ses propos font réfléchir.

En revanche, j’ai calé en lisant les comptes-rendus de la commission extramunicipale. Malheureusement, nous ne pouvons pas les mettre en ligne, car il s’agit de textes internes auxquels la population de Montreuil n’a pas droit. Ce que je peux vous dire en confidence, c’est que j’ai rarement lu une prose aussi indigeste ces dernières années. C’est incompréhensible. Et je reste poli, car il existe dans ce domaine d’autres mots plus imagés. Je ne mets pas en cause la bonne volonté des participants, dont d’ailleurs des représentants de notre association.

Non, je suis certain qu’ils ont pris à coeur leur ouvrage. Mais alors, comment expliquer un tel embrouillamini ? Comment justifier que, sur un sujet aussi sensible, la commission produise des textes que seules quatre ou cinq personnes bien entraînées peuvent démêler ? Je vais vous dire : à ce stade de l’histoire, je suis inquiet. Les murs à pêches ne méritent-ils pas un vrai grand débat à ciel ouvert ? Le bonjour chez vous.

Fabrice Nicolino

** Il s’agit d’un texte de Léo Ferré, clin d’oeil à ceux qui connaissent.

L’art de la résilience aux Murs à pêches

Vous connaissez le mot de résilience ? C’est savant. Le psychologue Boris Cyrulnik a rendu le mot célèbre en France. En gros, il s’agit de la capacité des humains à surmonter des traumatismes très profonds. Cyrulnik a forgé ce concept à partir d’observations faites, entre autres, sur des enfants dans les orphelinats roumains ou paumés dans les rues de Bolivie.

En Angleterre, le mot a pris un sens différent. On y parle de résilience locale, sous la forme d’initiatives de transition. Des quartiers, des petites villes s’engagent sans financement, sans appui au démarrage de la municipalité. Face à l’évidence du besoin de changement, les choses commencent à changer.

Les deux évidences les plus fortes concernent le changement climatique et le pic pétrolier. Pourquoi ? Mais parce que :

• Le changement climatique et le pic pétrolier nécessitent d’agir de façon urgente.

• Vivre en consommant moins d’énergie est inévitable et il est préférable de s’y préparer plutôt que de se laisser prendre au dépourvu.

• Les sociétés industrialisées ont perdu la résilience nécessaire pour affronter les chocs énergétiques.

• Nous devons agir ensemble, et nous devons le faire dès maintenant.

• Le modèle d’économie et de consommation qui accompagne la mondialisation, à savoir une croissance infinie dans un monde fini, est physiquement impossible.

• Nous avons développé des trésors d’ingéniosité et d’intelligence dans la course à l’énergie durant les 150 dernières années. Il n’y a aucune raison pour que nous ne soyons pas capables d’en faire autant, et même davantage, dans la descente énergétique qui nous attend après le pic.

• Si nous nous préparons suffisamment tôt, en libérant nos forces de création et de coopération, nous pourrons avoir un futur plus enrichissant, épanouissant, convivial et accueillant que ce que nous offrent nos styles de vie actuels.

Les initiatives de transition sont des initiatives locales qui s’inventent au fur et à mesure de façon collective. Elles privilégient la valorisation des compétences locales des gens qui participent, elles se construisent sur ce qu’on sait faire et inventer, et non pas sur la culpabilité. Elles proposent des outils créatifs, inventifs, drôles. Elles mènent à des résultats concrets. Elles ne nécessitent pas de financement préalable.

Démarrer une initiative de transition sur Montreuil, pourquoi pas ? Et les murs à pêches sont un lieu et un point de départ fabuleux. Témoin du développement de « trésors d’ingéniosité et d’intelligence », ce lieu appelle à une remobilisation créative, coopérative, enrichissante, épanouissante, conviviale, accueillante.

Les murs à pêches font appel à notre résilience, en l’occurrence la capacité à faire de l’adversité un atout pour rebondir. Il s’agirait donc de résilience collective et non pas individuelle.

Quelques propositions pour aller vers la résilience aux Murs à pêche :

Malgré la pression foncière, en faire un espace libre, laisser vivre la friche, accueillir un lieu qui résiste à la ville.
Malgré la disparition quasi-totale d’horticulteurs sur le site depuis des décennies, en faire un lieu de production viable.
Malgré les murs, inventer une ouverture vers tous les habitants de Montreuil, et d’ailleurs.
Malgré le mythe de la propriété privée, créer des jardins collectifs, associatifs, familiaux, sociaux…

Laura Winn (à suivre)

(ici, un site en anglais)