Arlette Auduc a été en charge du livre patrimoine horticole de Montreuil. Nous venons de refaire un tirage de cet ouvrage épuise, grâce à la donation de Micheline Saint André adhérente fidèle. Le Conservateur du patrimoine a rajouté un paragraphe d’actualisation. Ce livre a eu une forte influence quand l’association Murs à pêches a demandé le classement au titre des sites et paysages, classement obtenu en urgence en 2001. Vous pouvez bien sûr vous procurer cet ouvrage auprès de l’association.
Quel est le patrimoine qui a le plus marqué dans votre carrière ?
Il y a deux choses qui m’intéresse :le patrimoine de l’humanité c’est à dire les grands lieux qui parlent à tout le monde Panthéon, Louxor. Par delà le temps et l’espace, ce sont des lieux qui parlent même si les cultures ont disparu. le patrimoine ordinaire : celui qui fait sens dans la vie quotidienne, qui fait appartenance. Par exemple, les murs à pêches. Ça nous ancre dan un territoire et une succession de générations qui nous relie à l’ensemble.
Est ce qu’un patrimoine est définitivement sauvé ?
Si il n’est pas réapproprié, il n’est pas sauvé. C’est la population par son attachement qui va sauver le patrimoine. C’est le présent qui sauve le passé lorsque l’héritage est accepté et pris en charge et si on ne se reconnait pas dedans, on peut le refuser aussi.
Quelle perspective dans un avenir proche avec le Grand Paris pour la sauvegarde des patrimoines?
Les opérations d’aménagement doivent tenir compte de ce qui existe déjà sur le territoire. Les enjeux sont la conservation et l’intégration du « déja là » pour le refaire vivre dans le territoire. Le patrimoine n’est pas mort, figé mais il faut lui trouver des nouveaux usages. Ce sont des projets collectifs qui demandent de la concertation et de la consultation. Par exemple il y a des gares qui vont s’intégrer à ce qui est déjà et d’autres qui vont être à détruire pour reconstruire…
Le rôle des conservateurs n’est pas de tout à garder mais également de détruire ce qui est mort, ne fait plus sens. On est dans des sociétés vivantes. Que garde t-on du passé pour construire l’avenir ? Les patrimoines sont un fait social, servent de transmission et d’héritage.
Comment en êtes vous arrivez à écrire un livre sur la patrimoine horticole de Montreuil ?
J’ai d’abord fait un travail étudiant. Puis quand j’étais à la DRAC, on a constitué un groupe de travail avec mission d’étudier le patrimoine culturel de chaque commune d’Ile de France et de constituer un inventaire pour avoir un Etat des lieux des patrimoines en France. J’étais en charge d’un canton en Essonne et d’un canton à Montreuil. L’étude était un partenariat entre la DRAC et le patrimoine horticole. J’étais accompagnée par un photographe et une stagiaire en ethnologie. Sur les patrimoines ordinaires, l’histoire disparaît encore plus vite! Le maraîchage des horticulteurs de Montreuil alimentait Paris, sa petite couronne mais aujourd’hui cela a disparu, ce patrimoine étaient liés à ces usages et lorsque les usages disparaissent, le patrimoine aussi. Les enjeux sont de trouver d’autres usages.
Qu’est ce que vous retenez des murs à pêches ? quels liens avez vous avec aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je m’attache à faire connaitre et valoriser ce lieu, j’ai fais des visites régulièrement et je continue à les fréquenter. J’ai un attachement toujours présent en tant que citoyenne et habitante de Montreuil. L’enjeu d’aménagement est essentiel. Pour les horticulteurs qu’on avaient rencontré c’était leur outil de travail. Aujourd’hui il n’y a plus d’horticulteurs, que fait-on de ce territoire qui est urbain maintenant ? On ne va pas remettre 30 hectares pour la culture de pêches. Quels usages vont répondre à la demande dans une société qui a besoin de logement, de travail, de transformer son lien à la nature. Il faut des projets collectifs.
Qu’est ce que vous regrettez de ne pas avoir fait ?
Je regrette de ne pas avoir fait avancé l’idée de François Barret « la mémoire et le projet » : idée que les projets d’aménagements n’ont de sens que si ils s’ancrent dans une mémoire, une histoire, dans la continuité. La création c’est important. Une continuité qui peut s’accompagner de ruptures. Convaincre qu’il n’y a pas d’opposition entre la mémoire et le projet et c’est à la population de le prendre en charge. Dans nos sociétés en crise, seuls les artistes apportent des réponses. La création architecturale m’intéresse beaucoup. Seuls les artistes peuvent animer un lieu et lui donner du sens.
Interview réalisée par Julia Borie