Le terme « friche » a une connotation péjorative dans le vocabulaire urbanistique. Pourtant c’est souvent un endroit où il est agréable de se promener du fait de la diversité botanique et faunistique qu’elle abrite en tant que zone non construite.
En Seine-Saint-Denis, trois zones considérées comme des « friches urbaines » ont été l’objet de luttes pour leur sauvegarde : la Haute-Île à Neuilly-sur-Marne, Les Murs à pêches à Montreuil et les anciennes carrières de gypse à Gagny.
A l’occasion de la première Biennale de l’Environnement de Seine-Saint-Denis en 2000, Corinne Dardé, vidéaste mais aussi militante, a réalisé trois films sur ces trois sites, à la demande d’André Cuzon, alors président d’Environnement 93.
Le terme « friche » a une connotation péjorative dans le vocabulaire urbanistique. Pourtant c’est souvent un endroit où il est agréable de se promener du fait de la diversité botanique et faunistique qu’elle abrite en tant que zone non construite. En Seine-Saint-Denis, trois zones considérées comme des « friches urbaines » ont été l’objet…
Avec l’association Millepattes et le Triton aux Lilas, elle militait pour la sauvegarde d’un espace vert situé en face de l’école Romain Rolland, convoité par les promoteurs.
Alors en friche cet espace accueillera des événements musicaux, des expositions et diverses activités culturelles organisées par les riverains qui se regrouperont en fédération d’associations et distribueront régulièrement le Fil info, le journal de la Fédération des initiatives lilasiennes. Le maire sera battu aux élections suivantes et le parc Lucie Aubrac ouvrira ses portes en 2002.
D’une famille lilasienne depuis 1890, Corinne Dardé s’intéresse à l’histoire de la Seine-Saint-Denis ouvrière du dernier tiers du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. L’explosion démographique, la pression foncière, la paupérisation ont rendu criante l’absence d’espaces verts dans le département. Sa curiosité et son regard, ont contribué à faire connaître d’autres sites menacés en Île-de-France, qui au fil des années et des luttes qui ont permis leur sauvegarde, ont finalement acquis la reconnaissance politique qu’ils méritaient.
Retour en arrière… 1999
Sur le site de la Haute-Île à Neuilly-sur-Marne, Jean-Pierre Jurado, ornithologue repère les oiseaux qui y nichent. Il les reconnaît à l’œil, ou au chant, pour les plus discrets. Quatre-vingt-douze espèces d’oiseaux différentes ont été identifiées. Chouette hulotte, pic-vert, pic épeiche, pic épeichette… En mai, quand les oiseaux délimitent leur territoire, ils chantent juchés en hauts des herbes hautes et sont davantage visibles. La locustelle tachetée nicherait uniquement sur les bords de Marne en Île-de-France. La rousserolle effarvatte, de la famille des fauvettes, fréquente les roselières hautes et touffues, qui ont une valeur écopaysagère et sont considérées comme habitat d’intérêt patrimonial classé à l’inventaire des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Lancé en 1982, cet inventaire a pour objectif d’identifier et de décrire, sur l’ensemble du territoire national, des secteurs de plus grand intérêt écologique abritant la biodiversité patrimoniale dans la perspective de créer un socle de connaissance mais aussi un outil d’aide à la décision (protection de l’espace, aménagement du territoire). Dès 1989 la Haute-Île est classée par la DIREN (direction de l’environnement).

Pourtant, dans les années 2000, un projet de bassin de béton de rétention d’eau potable sur 25 hectares, la moitié du terrain, en cas de pollution de la Marne, est envisagé. Son efficacité était contestée par le collectif Haute-Île vivante qui s’était créé avec Danielle Raabe, pour adresser des courriers au SEDIF, le Syndicat des eaux d’Île-de-France. Ce collectif s’est mobilisé pour faire savoir que les associations de protection de l’environnement étaient opposées à ce projet, car le bassin n’aurait assuré que deux jours d’approvisionnement en eau potable et devait conduire à la destruction du site. Cette mobilisation a permis que le projet soit abandonné et que soit créé le parc de la Haute-Île, devenu Archéosite à la suite de découvertes archéologiques. Elle a aussi montré comment politiquement, un écueil fréquent est de lutter contre une pollution en entraînant une autre pollution.
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À Montreuil, l’ancien site agricole des Murs à pêches a permis le développement de l’arboriculture des pêches importées de Chine par la Perse et difficilement acclimatées en Europe. Au XIe siècle, le terme persche, issu du latin persica, lui-même tiré de mala persica, les fruits de Perse a donné le mot pêche. À Montreuil, le gypse présent dans le sous-sol et transformé en plâtre a permis de développer la technique du palissage à la loque des pêchers. Le long de murs paysans construits en silex et terre et enduits de plâtre qui emmagasinaient la chaleur du soleil, les pêchers taillés et fixés au mur (c’est le palissage) poussaient protégés par le chaperon du mur et des tissus ou des toiles de paille. Il s’agit de sorte de serres murales. Sans cette technique, la pêche ne se serait jamais développée en Île-de-France.
L’abbé SCHABOL documente cette technique dès 1770 dans un article illustré de dessins : « La taille de Montreuil au XVIIIe siècle » dans La Pratique du jardinage.
À l’époque des arboriculteurs, donc jusque dans les années 1955 pour les derniers, le site était fait de parcelles privées. Sur les 500 hectares anciennement cultivés à Montreuil et ses environs, il reste 38 hectares non urbanisés. À la sortie de la seconde guerre mondiale (1939 plan Prost) les Murs à pêches sont classés réserve horticole puis, en 1976, réserve d’espaces verts par le schéma directeur d’aménagement urbain. Dans le but de maintenir l’emploi ouvrier, en 1989, sous l’égide du maire Jean-Pierre Brard, la municipalité veut faire table rase de tout le secteur ouest avec le projet de la ZAC (zone d’aménagement concerté) Pierre de Montreuil, avec des structures industrielles et commerciales et un bâtiment universitaire. Ce projet sera dénoncé auprès du Conseil d’État par les habitants qui se constitueront en association pour ne pas être expropriés : l’ADHM, Association de défense des habitants de Montreuil, présidée par Bernard Ripouilh. Le Conseil d’État donnera raison aux riverains au motif que la zone était classée réserve d’espaces verts.
Voir sur le site de l’INA la vidéo « Une ZAC controversée » du 9 août 1991 https://www.ina.fr/video/PAC9108092817
Ainsi en 1994, la zone est déclassée zone urbanisable à 80 %. C’est le point de départ du projet Corajoud, paysagiste français qui propose la construction de 250 pavillons, 70 000 m² de locaux d’activités et la création d’une voirie. L’association Murs à Pêches est créée en 1994 par Jeanne Studer et Pascal Mage. Ils connaissaient le lieu et savaient qu’il était fragile mais ont pris conscience que ce déclassement allait précipiter sa mort. Ils ont alors la clairevoyance de restaurer et d’ouvrir au public et aux écoliers un clos à pêches : commence alors un long travail pour faire connaître ce patrimoine oublié et à l’abandon. Par leur action concrète et leur approche positive, ils veulent proposer un projet alternatif, attirant de nombreux bénévoles aux compétences diverses : ateliers jardinage avec Valia, remise en culture de pêchers, lecture de paysage, débat sur la citoyenneté, réflexion sur l’aménagement du site en développant de nouvelles activités. Nicole Huvier et Jeanne Studer, pour l’association MAP, feront les démarches de demande de classement et réussiront à convaincre l’inspecteur des sites Jean Kuypers qui mettra tout son savoir-faire au service de la protection de ce site malgré les fortes oppositions. Le projet Corajoud sera cassé par l’association MAP par une mesure d’urgence de classement en 2001 quand Dominique Voynet était ministre de l’environnement. Avec l’appui de l’association MAP, Nicole Huvier met en place un atelier d’urbanisme en 1999, l’Atelier populaire urbain de Montreuil (APUM), qui travaillera en partenariat avec l’École d’architecture Paris-La Villette. L’APUM est à l’origine du Festival des Murs à pêches.
L’association MAP porte l’idée d’un appel à projet auprès de la municipalité. En 2003, 12 projets à vocation culturelle, patrimoniale, environnementale et/ou sociales seront retenus pour la mise en valeur de parcelles situées dans le quartier des Murs à Pêches. Pascal Mage est à l’initiative de la mise en place d’un chantier d’insertion en 2005 qui a notamment pour objet la restauration des murs à pêches. La dynamique associative va se poursuivre avec toujours plus de projets et d’associations très actives qui mettent en valeur des parcelles dans le quartier.

Le classement définitif au titre des « Sites et Paysages » intervient en 2003, pour 8,5 hectares des 38 hectares du site. Insistons sur le fait que ce sont des artistes peintres qui ont obtenu la création de ce label dès 1906, assorti d’une loi remaniée en 1930, pour sauver certains paysages. Cette loi s’intéresse plus particulièrement aux « monuments naturels et aux sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général ». La loi de 1930 est aujourd’hui codifiée aux articles L. 341-1 à L. 341-22 du code de l’environnement.
Certaines parcelles étaient encore cultivées de fleurs dans les années 2000, comme celle de Raymond Cart qui observait, impuissant, l’installation de la société SBR: pour pouvoir stocker son matériel (SBR est spécialisée dans le balisage et les séparateurs modulaires de voiries en béton), elle n’a pas hésité à abattre des murs et arracher des pêchers. Aujourd’hui, cette société continue à dévaster les rues fragiles du quartier des Murs à pêches, malgré les réclamations des riverains. SBR avait alors davantage de moyens qu’un horticulteur qui louait « au prix du quintal de blé ». La ville a choisi de louer au plus offrant sans se soucier de ce patrimoine. C’est pourtant un patrimoine documenté depuis longtemps, une monographie du CNRS y fut consacrée dans les années 50 (Souty et Cavalier ?).
En 2012 à nouveau, le plan local d’urbanisme est modifié et les Murs à pêches deviennent « espace vert urbanisable », avec la possibilité de monter de 6 m de hauteur chaque année et de construire 20 % des surfaces de jardin, avec une extension possible sur 22 hectares; la ville ressortait le projet Corajoud. Si Dominique Voynet alors maire, a fermé plusieurs entreprises nuisibles sur le site, elle a aussi ouvert l’urbanisation du site avec la construction de la piscine des Murs à pêches (sur la parcelle des Jardins du cœur), du collège Cesaria Evoria et du garage à tramway. Ce PLU sera cassé au tribunal administratif, après l’action de l’association MAP, sur le fond, car le règlement ne permet pas qu’un espace vert soit « urbanisable ». Le reste du site, non construit suite à ces trois projets, est resté un espace vert sans affectation après cette décision.
Puis en octobre 2017, le promoteur UrbanEra, une filiale du groupe Bouygues Immobilier, a été choisi par le jury du concours » Inventons la métropole du Grand Paris » pour réaménager le site de l’ancienne usine de traitement du cuir EIF avec la construction de 83 logements, des bureaux et un hôtel sur 1,9 hectare pour prétendument financer la dépollution des sols. Une pétition va recueillir 8 000 signatures et une « Manifestival », défilé artistique et politique rassemblant plusieurs milliers de personnes, va descendre des Murs à pêches jusqu’à la mairie de Montreuil pour réclamer la protection du site. Une tribune est publiée dans Libération, la Fédération des Murs à pêches rencontre les conseillers du ministre de la transition écologique qui promet une médiation de l’État. Profitant des élections municipales de 2020, dès 2019, la Fédération et le collectif SuperLocal vont envoyer un Pacte pour l’avenir des Murs à pêches à tous les candidats.
Ce site, constitué durant trois siècle, du XVIIe au XIXe siècle, par ses habitants, est défendu aux XXe et XXIe siècles à nouveau par ses habitants.

23 janvier 2020, rassemblement festif sur l’avenir des Murs à Pêches
Le 23 juillet 2020, Patrice Bessac, maire de Montreuil, envoie un courrier à la Métropole du Grand Paris annonçant que Montreuil se retire finalement du projet. Le classement en 2020 au titre de « patrimoine d’intérêt régional » et de « sites et jardins remarquables » par la DRAC vient couronner vingt années de lutte contre les pouvoirs publics et la pression foncière. Les 16 associations que compte aujourd’hui la Fédération des Murs à pêches militent pour la préservation de ce site, des savoir-faire qui y sont associés et le développement de possibles permis par cette inestimable nature en ville (agriculture urbaine, insertion professionnelle autour des métiers du patrimoine, travail artistique et social). En septembre 2020, après à la visite de Stéphane Bern dans le cadre du Loto du patrimoine, le maire a annoncé dans une vidéo municipale tourner définitivement la page de l’urbanisation et de l’industrialisation des Murs à pêches.
À suivre…
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À Gagny, les anciennes carrières de gypse ont aussi été l’objet d’une lutte de longue date. En 1979, Henri Druesne fonde l’Association pour la sauvegarde du quartier des collines de Gagny. En 1986, elle obtient l’agrément préfectoral sous le nom d’Association de protection de l’environnement de Gagny (APEG) puis devient Gagny Environnement en 1999. L’association se distingue par des réussites qui marquent l’histoire collective de la commune de Gagny : ouverture au public du parc Courbet, demande de protection de la maison Baschet, abandon des ZAC (zones d’aménagement concerté) de la place Foch et de la carrière Saint-Pierre, actions décisives pour la sauvegarde de la carrière de l’Ouest. Grâce à ses compétences juridiques, l’association intervient là où la loi est contournée, par les aménageurs privés comme par les autorités locales. En 2004, l’association élit un nouveau président : Jean Denis. En 2008, Brigitte Mazzola devient présidente, son mandat est renouvelé depuis.

Abandonnés depuis 1975, les carrières de Gagny sont structurées en trois sites : carrière de l’Est, Carrière du centre, carrière de l’Ouest représentent 90 hectares restés exempts de construction en raison de l’instabilité du terrain. La nature y a repris ses droits.
La municipalité veut faire croire qu’il s’agit de « friches industrielles » pour justifier l’urbanisation qu’elle préconise, alors que ces espaces abritent une biodiversité animale et végétale exceptionnelle. En 2002 l’Observatoire de la biodiversité de Seine-Saint-Denis a classé la ville de Gagny au quatrième rang des communes du département avec 350 espèces recensées, dont neuf protégées à l’échelon national ou régional.
Jusqu’en 1983, ces sites étaient classés en « espaces naturels protégés » par le plan départemental interurbain. Mais le plan d’occupation des sols (POS) de 1983 y a introduit des zones à urbaniser. En 2004, le conseil municipal de Gagny a approuvé un plan local d’urbanisme (PLU) qui, sur les 90 hectares verts, en classe 30 en « zone urbaine ». Or le Schéma directeur d’Île-de-France de 1994, toujours en vigueur, indique que les anciennes carrières de Seine-Saint-Denis devraient devenir des espaces verts ouverts au public.
Conscients de la catastrophe écologique que constituerait l’application du nouveau plan local d’urbanisme, Gagny Environnement, appuyé par une fraction importante de la population, se bat par tous les moyens (pétitions, manifestations, appels aux autorités, recours en annulation et référé-suspension devant le tribunal administratif) pour sauver ces derniers espaces naturels d’intérêt régional.
Retour sur les faits…
La carrière de l’Est
La carrière de l’Est est la plus grande avec 47 hectares et un classement en zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF).
Alain Tellier, naturaliste, montre que si sur les remblais on trouve des acacias, des érables, des ronces et des orties, à l’inverse les frênes indiquent des bois naturels. À l’entrée d’un vallon de deuxième masse de gypse, la présence d’une buse est exceptionnelle en Seine-Saint-Denis, mais permise par la présence de ces grands espaces ouverts. La mante religieuse est une espèce protégée régionale car l’Île-de-France est la limite nord de son habitat. La zygène de la filipendule abonde dans les prairies de graminées et de fleurs. Ses couleurs rouges indiquent sa toxicité aux prédateurs car elle contient du cyanure. On trouve dans les carrières de Gagny des variétés d’origan, de la chlore perfoliée (une variété de gentiane) du tétragonolobe siliqueux (sorte de pois jaune) de la carline vulgaire ainsi que de l’alisier de Fontainebleau, sorte de sorbier à larges feuilles, également protégé. Toutes ces espèces sont caractéristiques des pelouses sèches marneuses, des couches superficielles de marnes calcaires, pauvres, avant les sédiments de gypse, spécifiques à la géologie de ces sols franciliens. Le remblaiement pour urbanisation aurait entraîné la disparition de ces biotopes.

Pendant la période des vacances estivales de 1998, une autorisation de défrichement de 3 puis 8 hectares sur la carrière Saint-Pierre était publiée. Le défrichement concernait la parcelle de la ZAC réservée à la construction de 80 pavillons. Or cette ZAC, en octobre 1998, faisait soit-disant encore l’objet d’une concertation publique ! Devant cette menace risquant de créer un préjudice irréparable pour l’équilibre biologique de la région et de porter atteinte au patrimoine naturel de la commune, l’association déposait des recours en annulation de ces autorisations devant le tribunal administratif de Paris. Le 8 juin 2001, le tribunal administratif annulait l’autorisation de coupe et d’abattage sur la carrière de l’Est.
La carrière du Centre
La carrière du Centre avec ses 25 hectares, présente toutes les caractéristiques d’un possible parc urbain, comme l’est devenu le parc des Buttes-Chaumont à Paris. Mais le POS prévoyait d’urbaniser le site à 60 %.
Constatant le massacre d’un boisement forestier de qualité, reconnu par la direction régionale et interdépartementale de l’agriculture et des forêts, l’association avait alerté l’opinion publique sur les conséquences dramatiques pour notre environnement de la disparition de près de 20 hectares d’espaces boisés.
Une pétition de plus de 2 100 signatures avait été envoyée au maire à l’issue de l’enquête publique pour s’opposer à l’urbanisation des deux tiers des 22 hectares de la carrière du Centre, notamment à un ensemble commercial avec 5 948m² dont un magasin de bricolage de 2 900m² à l’enseigne Bricomarché, une grande surface alimentaire de 2 500m² à l’enseigne Intermarché, une galerie marchande de 350 m² et une station-service de 198 m² sur des espaces boisés. Des manifestations, chemin du Bois-de-L’Étoile et rue Jules Guesde, ont eu pour but d’alerter les médias et d’informer les autorités politiques et administratives.
Ainsi, dans le n° 20 (Septembre 2004) du journal de l’association Point de vue Environnement, l’éditorial s’intitule « Le PLU n’a pas plu ».
Jean Denis, alors président de l’association, raconte comment lors de la « concertation exemplaire du PLU », aucun Gabinien n’avait été informé du contenu du rapport d’instruction établi après la demande d’autorisation commerciale pour la création d’un centre commercial au sein de la ZAC « du Bois-de-l’Etoile ».
Enfin, l’association dépose le 27 août 2004 une requête en annulation au Tribunal de Cergy-Pontoise à l’encontre du plan local d’urbanisme de Gagny. Sur la base de cette opération, l’association avait déposé un premier référé-suspension au tribunal administratif ainsi qu’un recours contre le permis de construire du centre commercial.
La carrière de l’Ouest
D’une superficie de 15 hectares, elle devait être urbanisée à 15 % mais la révision du plan d’occupation des sols à la fin des années 1990 portait la surface à 50 % avec le comblement des galeries historiques. Longtemps utilisé illégalement comme décharge et site de concassage, le site présente pourtant, outre son histoire minière et des traces d’un four à plâtre, une diversité botanique tout à fait notable.
Cette carrière a été exploitée par l’entreprise Aubry-Pachot puis cédée à la société Zinetti pour la culture des champignons. En 1992, la société Marto acquiert les terrains et, avec la bienveillance de la commune qui souhaitait une urbanisation de cet espace, procède à des travaux illégaux que contesta l’association Gagny Environnement. Ainsi en 1993, l’entreprise Marto apporte sur le plateau de la carrière de l’Ouest des tonnes de matériaux de démolition qui surchargent dangereusement le sol, déjà rendu instable par la présence des galeries. En 1995, la société Marto, la ville et l’inspection générale des carrières signent la convention « consolidation et aménagement d’anciennes carrières de gypse ». Dès le début, les travaux de consolidation ne se font pas dans les règles et des matériaux impropres sont introduits dans les galeries.

Les clauses de dépollution et de sécurisation ne sont pas respectées. En violation des règles d’urbanisme, un concasseur à béton est mis en exploitation. Le 10 octobre 1996, les riverains excédés et les associations se mobilisent : pétition, manifestation de rue. Le 15, à la suite d’une plainte de Gagny Environnement soutenue par trois associations riveraines, le préfet suspend l’activité du concasseur. Mais, en décembre, le conseil municipal modifie les règles du POS pour permettre à nouveau l’activité du concasseur. Le 14 février, Gagny Environnement dépose un recours au tribunal administratif contre cette délibération. L’inspection générale des carrières confirme que le poids excessif des merlons accélère la dégradation du plateau de la Dhuys. Le 5 mars 1998, le tribunal administratif donne raison à Gagny Environnement et annule la modification du POS. Un glissement de terrain se produit au nord de la résidence des « Grands Coteaux », emportant des arbres et 90 m de clôture. En 1999, le glissement de surface progresse sur le terrain de la résidence, occasionnant la chute d’autres arbres et détériorant à nouveau 60 m de clôture. En 2000-2001, Gagny Environnement reçoit un rapport de l’inspection générale des carrières détaillant les motifs de son retrait de cette convention face aux violations des règles de la convention : introduction de gros blocs de béton, de bois, de déchets plastiques dans la carrière et refus de l’entreprise Marto de retirer ces matériaux impropres.
Malgré de multiples interventions de Gagny Environnement auprès des autorités (maire, préfet, ministre) et un arrêté préfectoral de mise en demeure de cessation d’activité, cette société poursuit ses activités sans être inquiétée. Le 13 mai 2002, le conseil municipal vote une nouvelle modification partielle du POS pour permettre, de nouveau, l’activité du concasseur, au motif que ces concasseurs seraient « indispensables aux travaux de comblement ». En réalité, les matériaux concassés sont revendus et les matériaux impropres déversés dans les vides. En octobre, Gagny Environnement dépose un recours en annulation de la délibération du conseil municipal. Le 26 juin 2006, le tribunal administratif annule la modification du POS. Le 7 juillet 2007, la cour d’appel confirme ce jugement. Le bruit du concasseur s’est définitivement éteint. Lors de son assemblée générale en 2009, l’association présente son document « Les sols et sous-sols de la carrière de l’Ouest ».
Après l’annulation le 11 juin 2019 par le tribunal administratif de Montreuil de la délibération qui validait le plan local d’urbanisme, la commune de Gagny et l’Établissement public territorial Grand Paris Grand Est ont introduisent un recours le 9 août 2019 devant la cour administrative d’appel de Versailles à l’encontre du jugement. Le 6 février 2020 deux ordonnances entraînent l’annulation définitive du Plan Local d’Urbanisme plan local d’urbanisme de Gagny
https://www.endema93.fr/fr/amenagement-urbanisme/plu/justice-annule-seconde-fois-plu-gagny.html
« 1998 – 2020, quel plaisir de constater que ces vingt années de luttes acharnées n’ont pas été inutiles puisque cet arrêt répond aux objectifs de l’association exprimés dès 1998 et met fin aux velléités de la commune d’urbaniser ces espaces. » écrit Jean Denis dans un échange de mails pour la préparation de cet article.
Les espaces verts en ville sont indispensables à la qualité de vie, ils sont absolument nécessaires dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces trois histoires, dont nous avons la trace grâce au travail documentaire de Corinne Dardé et que vous pouvez visionner ici, montrent comment ces espaces et leur histoire appartiennent aux habitants. L’accumulation de positionnements citoyens déterminés et passionnés a porté ses fruits et permis de sauver ces trois sites. La lutte paie.
Bon visionnage
Un grand merci à toutes les personnes qui ont contribuées par leurs remarques et retours à la rédaction de ce texte.